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Le suicide des retraités; quelles préventions ?

 

Vous savez, après on ne compte pas pour grand-chose...sauf pour les élections. J'ai eu aussi affaire, lors de mes visites à des passages à l'acte.(Anne Marie, infirmière)

 

Une progression en hausse.

 

Bien que les informations relatives à ce phénomène soient peu médiatisées, il reste que les statistiques montrent l'étendue du phénomène. Nous apprenons en effet qu'à partir de 64 ans, âge qui correspond aux premières années de la retraite, il y a une progression du suicide chez cette population. Selon les chiffres donnés par la DREES, cette augmentation se poursuit durablement jusqu'à un âge très avancé et touche plus d'hommes que de femmes.

Nous ne considérons pas ici le suicide du sujet vieillissant, c'est à dire au-delà de 80 ans, mais la catégorie de population ayant eu une activité professionnelle ouvrant au statut de retraité. Celui-ci bénéficie d'une pension qui lui permet de vivre sans avoir à travailler. Nous verrons que le travail, qui permet les interactions avec l'environnement, est un facteur déterminant pour la conservation de la vie. D'autres facteurs peuvent conduire le jeune retraité à vouloir mettre fin à ses jours. Le suicide arrache le retraité à une vie si longtemps espérée et souhaitée que cet acte ne peut manquer de nous étonner grandement. Pourquoi un tel gâchis ? Et quel type de prévention peut-on imaginer pour lutter contre ce drame de notre société ?

 

LES CAUSES.

 

A moins d'avoir eu une enfance et un parcours personnel difficiles, les raisons d'un suicide sont toujours obscures. Cependant, il faut prendre en compte, selon nos analyses, certains facteurs qui jouent un rôle déterminant et majeur sur l'acte suicidaire du retraité.

 

- La cessation de l'activité professionnelle provoque un retrait par rapport aux investissements physiques et psychiques du monde extérieur. Le milieu du travail semble être la principale source d'interactions avec les personnes, l'environnement matériel. Le retraité se retrouve ainsi, non pas en panne de lui-même c'est à dire de ses forces, mais en manque de les exercer. L'énergie à faire, à construire, à bâtir reflue vers lui pour s'y trouver enfermée. Le suicidé recourt à l'acte ultime afin de supprimer l'implosion persistante, continue, qui est en lui. Le suicide est ici le résultat d'une énergie inemployée.

 

- Le sentiment d'infériorité, consécutif à la perception que le retraité a de son corps usé, de sa santé défaillante le pousse au découragement et à l'impuissance. Même si sa pensée lutte pour faire face à l'adversité, le corps ne suit pas. L'absence de vigueur le rend nostalgique des jours heureux où ses forces le propulsaient vers le haut. Le sentiment insupportable de ne plus-être-à-la-hauteur, au regard de ce qui a été et des attendus de la société, rend le retraité amer, impitoyable avec lui-même.

 

- Le sentiment d'inutilité est au fond un sentiment d'inexistence que le retraité peut éprouver lorsqu'il voit autour de lui des familles, des personnes qui se rendent à leur travail, des amoureux qui échangent des baisers.Le monde est ce qui arrive sous ses yeux : famille, travail, relations, tout cela a du sens dans la mesure où les groupes humains qu'ils forment se destinent à quelque chose dont le retraité se sent désormais exclu.

 

- Le sentiment de solitude : il me parait être le plus fondamental dans le mal vécu de la retraite. Quand cette solitude n'est pas choisie, elle est subie et engendre un sentiment de manque, de vide à combler, une souffrance difficile à vivre au quotidien. Confronté à la perte d'un proche ou isolé par un déficit de communication, le retraité est traversé par des émotions douloureuses au premier rang desquelles la tristesse. L'état  dépressif constitue bientôt l'essentiel de la personnalité du retraité.

Voici donc des sentiments, des émotions, des vécus existentiels dont les aspects négatifs contribuent largement à ce que le retraité passe à l'acte suicidaire. Ne faut-il pas faire cesser le tourment, déjà si proche de la mort ?

 

Quelle prévention ?

 

Le suicide du retraité est l'aboutissement d'un processus long et douloureux. Les dispositifs d'écoute mis en place par les structures et associations permettent aux personnes d'exprimer leurs émotions et leurs souffrances. Ces dispositifs offrent la possibilité aux suicidaires d'"émerger", voire de différer l'exclusion de leur acte. Mais est-ce suffisant ? Il me semble qu'il faut chercher ailleurs.

Il s'agirait de travailler de manière pluridisciplinaire avec psychologues, éducateurs, médecins, animateurs et assistantes sociales. L'objectif est de proposer des solutions adaptées à ce public en mal de vivre : offrir un accompagnement thérapeutique ou social, participer à un groupe de paroles, un atelier d'écriture, à des activités artistiques ou culturelles. C'est une prise en charge à la fois individuelle et collective qui pourrait rompre l'isolement et la solitude du retraité. Articuler, au-delà de la prise en compte des souffrances du retraité, le registre du "faire", de la rencontre et du partage. Le regard bienveillant des autres (équipe pluridisciplinaire et autres retraités) pourrait modifier considérablement les impulsions d'autodestruction du retraité. A travers ce type de prévention du suicide, il convient avant tout de reconnaitre la singularité de l'humain dans ses désirs les plus mortifères, d'aider au renversement des pulsions de mort vers des pulsions de vie pour ouvrir un espace de reconnaissance mutuelle, de lien social, de sublimation et d'orientation des énergies vitales.

L'ampleur du phénomène est si grande au Québec par exemple qu'une association  a obtenu des fonds pour développer un projet de sentinelles en prévention des suicides chez les ainés.

Un centre de prévention du suicide des retraités peut-il exister ? Il convient d'y penser sérieusement dans la mesure où cette population va augmenter considérablement au cours des prochaines années. Il revient aux institutions en charge de ce dossier et aux professionnels de santé de travailler ensemble pour lutter contre ce fléau.

 

norbert zerah

psychologue clinicien

wwwtherapie-emdr.com

 

 

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