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Les causes d'une retraite difficile.

 

Si vous voulez mon avis, je pense qu'on a le choix d'aller soit dans un sens , soit dans un autre. Penser le négatif ou penser les choses positives. Vous ne trouvez pas ? (Marina, Chef de projet)

 

Introduction

 

Les bouleversements psychologiques provoqués par un départ à la retraite sont vécus de manière inégale selon les individus et les conditions dans lesquelles cette retraite s'effectue.

Alors que pour de nombreuses personnes la retraite sera perçue comme un nouveau départ, ouvert à une autre temporalité, à la réalisation de projets longtemps mûris, pour d'autres  celle-ci  peut marquer et représenter  tout à fait autre chose...Le début d'une traversée vertigineuse qui doit mériter toute notre attention.

Une traversée difficile qu'il est toujours mal aisé d'analyser pour les sujets eux-mêmes. Alors que tous les ingrédients sont réunis pour produire l'épanouissement souhaité, rien de tout cela. Comment comprendre que la retraite soit mal vécue ?

De nombreux facteurs indépendants les uns des autres ou conjugués ensemble entrent en ligne de compte pour expliquer et rendre raison de cette situation.

De ce mal-vécu, il sera aussi nécessaire d'en voir les effets psychologiques sur la santé et l'équilibre de la population concernée.

 

 

 

Facteurs et causes d'une retraite difficile :

 

- le statut involontaire : face au départ en retraite, celui-ci constitue une incidence majeure sur la santé des intéressés. Le salarié ne souhaite pas se désengager du marché du travail, soit un autre qui a eu de longues périodes de chômage ou soit victime d'une retraite anticipée, d'un plan social. Tous ne sont pas volontaires. Ils ne comprennent pas les circonstances de leur départ, et la perception qu'ils ont de cette situation va avoir un effet négatif sur le "futur" retraité. De  ce qui devait faire l'objet d'un choix, d'une décision, d'une espérance aboutie devient par la suite une source d'insatisfaction.

- rupture du réseau social: l'activité professionnelle, longtemps exercée, qui maintenait jusqu'alors le réseau social n'est plus. Et du même coup, c'est tout un pan de la vie relationnelle qui se trouve interrompu. On peut aisément le comprendre dans la mesure où le champ du travail est un vivier permanent et inépuisable de rencontres, de communications et d'échanges.

- l'image de soi: Chez la plupart d'entre nous, cette image est le résultat d'une construction croisée entre plusieurs images, celle que nous avons de nous-même, celle que nous offrons aux autres, celle que les autres nous renvoient. L'image de soi chez le retraité semble se heurter à une difficulté insurmontable. Et cette rareté de l'autre dans le vécu au quotidien de la personne à la retraite va considérablement "appauvrir" la richesse de l'image de soi. Se profile une image qui ne reflète que soi- même, hors du champ social qui la dynamisait auparavant.

-  l'épreuve de réalité: Elle est consécutive à un constat souvent anxiogène pour la personne à la retraite, celui qui concerne la fin des illusions, de ce qui ne pourra plus advenir. Le manque n'est plus accessible, sinon par quelques fantasmes résiduels. La castration pour le retraité devient plus réelle et impossible à éviter. Quelque chose a changé, car ce qui n'avait pas de terme pour aimer, construire, philosopher en a un aujourd'hui.

-  Le désœuvrement : Comment exprimer cette notion, sinon sous la forme d'une image cinématographique, celle d'Anna Karina, qui , dans "Pierrot le Fou" de Jean Luc Godard, répétait à tue-tête en marchant de long en large " y a rien à faire, j'ai rien à faire" .Pour les retraités, le désœuvrement, c'est l'impossibilité présente de faire œuvre, c'est à dire de produire quelque chose pour soi et les autres. D'ailleurs le regard, la perception que les autres " actifs " projettent sur les retraités aboutit de fait à une exclusion, une relégation. Il ne fait plus rien , donc il n'est plus, pourrait-on ajouter, ce qui renforce l'image négative que le retraité a de lui-même. Cette position  actualise un sentiment de vide existentiel que le divertissement ne peut pas effacer.

- L'isolement se trouve être le parent proche du désœuvrement. A qui parler et transmettre les expériences acquises ?qui écouter ? Cet isolement constitue un repli sur soi conduisant de manière progressive à la perte de l'identité subjective. N'étant plus en contact avec la réalité extérieure, le moi perd de sa force et se dissout. La seule exigence se ramène à la satisfaction et aux besoins du corps.

- Le face à face conjugal: Les enfants partis, le couple de retraités se retrouve en face à face et risque de mettre au grand jour des critiques et  sentiments jusqu'alors refoulés. La vie à deux peut devenir souvent insupportable, à cause d'une proximité inhabituelle. Ce qui était possible, acceptable pour les salariés d'alors, pris dans l'exercice de leur activité professionnelle, ne l'est plus. Cette donnée culturelle est fortement présente dans les statistiques sur le divorce des personnes à la retraite.

Bien entendu, les causes mentionnées ne sont pas exhaustives, mais permettent de faire le point sur cette problématique. La question qui se pose alors est de se demander:

 

Quels effets et répercussions psychologiques?

 

Ma pratique quotidienne avec ce type de public rencontre des pathologies identiques à celles rapportées par de nombreuses études sur ce sujet. Déprimes, dépressions, anxiété, angoisse, somatisations, troubles du comportement sont au centre des problèmes de santé pour cette catégorie de population, et autour de cette période cruciale .De nombreux suicides sont également à regretter, surtout quand le retraité se retrouve seul. Les facteurs entrant en cause dans une retraite mal vécue méritent toute notre attention, notre vigilance et nos efforts.

 

Comment aider, apporter un soutien et un accompagnement psychologique à ce public spécifique ?

 

Le rôle du psychologue clinicien est d'offrir un dispositif d'accueil et d'écoute, à partir duquel la personne se sente suffisamment en sécurité et en confiance pour parler des problèmes et des difficultés rencontrés. Il faut comprendre l'importance et la valeur que les personnes, coupées du champ social, accordent à ces moments de partage avec un autre. Autre dont l'attention ouvre au désir de paroles.

Une souffrance muette est parfois au cœur de la demande de consultations, et il n'est pas rare de voir accéder, par la parole libérée enfin, des sujets à une libération psychique. Et ce soulagement produit, par la suite, une diminution d'angoisse et d'anxiété. Début d'une reprise en main de son chemin de vie.

Lors d'un premier contact avec le retraité, et au regard des problématiques rapportées un traitement adapté pourra alors être envisagé avec l'accord de la personne afin de lutter de la manière la plus efficace contre ces troubles afin d'améliorer sa santé psychique Je dirais, pour conclure cet article, qu'une retraite mal vécue empêche l'intéressé de profiter et de vivre pleinement ce temps nouveau, ce passage, cette réconciliation avec soi-même et les autres.

 

 

Cet article a été inspiré par la lecture de :

 

- 21 ème entretien Jacques Cartier(Québec, 8 et 9 octobre 2008)

- Gérard LE GOUES , psychanalyse du sujet vieillissant (conférence donnée à la SSP, 2006)

- Jante E.Brody, la dépression chez les personnes de 65 ans (in New-York times, 30 mai 2006).

 

 

 

 

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